Le Choc de Carnac (Sophie Marvaud)

Publié le par Aurélie Genêt

Le Choc de Carnac (Sophie Marvaud)

Comme souvent lors des masses critiques, j’ai coché au hasard dans l’espoir de faire des découvertes. Pour résumer, ce Choc de Carnac fait plutôt partie des bonnes surprises.

J’avoue que le titre ne m’a pas interpellée. Cette succession de « –oc » et « –ac » n’est, je trouve, pas très heureuse. Un jeu de mot peut-être, pour le côté breton ? Car il me semble que d’autres termes eussent tout aussi bien voire mieux convenu à l’histoire. Ce n’est jamais qu’un titre, on aime ou on n’aime pas, c’est de peu d’importance, en fait.

Venons-en, donc, au roman. Excellente idée que de situer l’intrigue à la préhistoire, à un carrefour de l’évolution du mode de vie humain, quand l’agriculture l’emporte sur la chasse-cueillette, la sédentarisation sur le nomadisme.

C’est une période que je connais peu, mais l’auteur semble renseigné sur le sujet et certains détails de la vie quotidienne (notamment au niveau technologique. Plus difficile à dire au niveau du mode de pensée, les personnages paraissent très modernes).

J’ai cependant regretté que les choses n’aillent pas plus loin sur ce point. Certes, les connaissances historiques sur cette époque restent limitées et nécessite une part de création de l’auteur, mais il me semble que le roman se serait prêté à distiller un peu plus d’informations. Rien de tel qu’un roman pour apprendre des choses sans même s’en rendre compte et sans rien y trouver de rébarbatif. Mais l’auteur a fait le choix de la légèreté dans la narration. Si cela rend l’ensemble facile et rapide à lire, sans coupures « encyclopédiques », j’ai trouvé que le décor préhistorique s’effaçait un peu trop par moments, au point d’en être oublié (oublié par moi, lectrice).

Un petit regret au niveau de l’intrigue également. Cette histoire de meurtre qui confronte les trois peuples aux modes de vie différents et se méconnaissant l’un l’autre aurait pu être traité de façon plus symbolique. En effet, il représente un événement déclencheur très fort puisqu’il va changer l’aspect de toute la région, et représente ainsi, d’une certaine façon, toute l’évolution de l’humanité (au moins en Europe). Or, finalement, l’intrigue, même si elle permet une représentation des modes de vie qui coexistent, reste assez classique et traitée souvent comme une simple enquête policière, très moderne dans son déroulement. Et puis, tout le monde est beau, tout le monde est gentil. Ou plutôt, il y a certes des affrontements, mais finalement chacun agit sans méchanceté, juste pour le bien de son peuple, sans rien de vraiment répréhensible. Ils sont tous sympathiques, car quand ils fautent, tous ont des excuses valables. On se retrouve finalement avec un portrait de l’espèce humaine bien idyllique où les problèmes entre les peuples ne viendraient que de la méconnaissance (même pas aveugle, car tous sont prêts à faire connaissance et jugent de façon ouverte les croyances et modes de vie des autres), voire de coups du sort, d’incident involontaires ou de malheureux hasards.

J’avoue avoir toujours un peu de mal à ne pas m’interroger sur la justesse des romans préhistoriques quand, en lisant, je m’en viens presque à me dire que j’aurais bien aimé vivre à cette époque, c’était quand même plus facile, ouvert d’esprit, égalitaire, etc. que maintenant. Sachant l’espérance de vie d’alors, imaginant ce que devait donner un hiver, le manque de nourriture, la présence de grands prédateurs, les grossesses dans ces conditions, il semble pourtant après réflexion, qu’on y gagne à vivre aujourd’hui. Du coup, cet aspect un peu trop idéal me questionne.

Niveau style, rien à redire, ça se lit facilement et bien. Par goût, j’aurais préféré un style plus élaboré ou une griffe plus personnelle, mais c’est là une question d’appréciation tout à fait subjective.

En conclusion, un petit roman qui se lit bien, rapidement, et qui garde notre attention jusqu’au bout, un moment de détente agréable qui a le mérite de traiter d’une période méconnue (en tout cas au niveau romanesque) de l’histoire de l’humanité, mais qui aurait peut-être gagné à aller plus loin dans l’intrigue et la profondeur des personnages, à fouiller un peu plus le contexte et à nous offrir un brin de dépaysement et d’adversité supplémentaire.

Publié dans roman, critique, histoire

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