Aimer lire

Publié le par Aurélie Genêt

Aimer lire

Un court billet sur un sujet qui me tient à cœur, autant en tant que passionnée de livres et de lecture qu'en tant qu'auteur. Mais aussi un sujet qui rejoint mon activité professionnelle d'orthophoniste.

Parce que des enfants, des ados ou des adultes qui me disent qu'ils n'aiment pas lire, j'en vois tous les jours. Dans un sens, on pourrait se dire: "Et alors? Ils n'aiment pas lire, et moi je n'aime pas faire du vélo en montée ni élever des mygales en vivarium. Chacun ses goûts." C'est tout à fait vrai, il n'empêche que je trouve cela dommage.

Certes, pour bon nombre de mes jeunes patients, cela se comprend et se justifie: la lecture est pour eux une épreuve, une difficulté telle qu'elle en est devenue une souffrance, ils ne savent pas comment s'en tirer tout seuls, et c'est bien pour cela qu'ils viennent me voir. Et là, bien entendu, comment être surpris qu'ils n'aiment pas? Qui aime s'imposer lui-même des épreuves insurmontables et une souffrance quotidienne (j'aurais bien quelques idées sur la question, mais ce n'est pas le sujet ici)?

On ne peut aimer ce qui n'apporte que du négatif et pour ces personnes-là, la première chose à faire et de leur montrer que lire peut être amusant, enrichissant et donner du plaisir afin que, malgré la souffrance, ils n'en soient pas dégoûtés.

Lire pour lire

Le premier problème se situe souvent à ce niveau. Ces enfants en difficulté par rapport aux apprentissage de la lecture, qu'ils soient dyslexiques ou présentent d'autres troubles qui rendent cette lecture difficilement accessible, mais surtout aussi bon nombre d'autres enfants et même d'adultes n'aiment pas la lecture parce qu'ils n'en comprennent pas l'utilité.

Ils lisent pour lire, parce qu'on leur dit de lire, parce qu'il faut lire, parce qu'on y est obligé à l'école. Ils lisent sans se soucier du contenu, sans s'interroger sur l'utilité ou la finalité de cette action. Et certains n'ont pas envie de fournir cet effort (car apprendre à lire est difficile) parce qu'ils n'en comprennent pas le but et considèrent que si ça vient de l'école, "c'est pour les embêter". Voire dans ce cas, ils se feraient une fierté de ne pas faire cet effort, juste pour s'opposer à l'école honnie. Outre le fait qu'il est difficile de faire comprendre à un enfant en opposition au système scolaire que l'école, c'est pour lui et que pour "elle", qu'il réussisse ou pas n'y changera rien (les enfants travaillent rarement pour eux-mêmes, car la projection dans l'avenir ne signifie rien pour eux. Ils travaillent pour faire plaisir à leurs parents, leurs enseignants... d'où l'importance d'une bonne relation et de ne pas mettre trop de pression sur les apprentissages scolaires), il y a un aspect qui échappe complètement, non seulement aux enfants, mais aussi souvent aux parents, c'est que:

la lecture est un outil

Et elle n'est même que cela. Un outil qui nous permet d'accéder à un contenu. Lire pour lire n'a aucun intérêt. Mieux vaut un enfant qui lit Oui-Oui en butant de temps en temps sur les mots, en faisant quelques erreurs et avec l'aide d'un adulte, mais qui saura comprendre le sens et qui se régalera de l'histoire qu'un enfant capable d'oraliser à la perfection un texte de Kant, mais qui n'aura pas accès au sens d'une phrase simple.

Longtemps, on a favorisé le contenant, en notant par exemple le niveau de lecture par rapport à la vitesse. Aujourd'hui, même si la vitesse de lecture reste une référence pour un classe d'âge, on sait que lire très rapidement sans accrocher les mots ne veut pas dire "bien" lire.

Aimer lire

Tout est lecture

Souvent, j'entends des parents me dire "il ne lit pas", en parlant de leur enfant. Enfant qui, pourtant, surfe sur le net où il discute (par écrit) avec des copains, est amateur de revues ou de bd... "Lire" reste encore souvent dans l'esprit "lire un livre "(et épais, de préférence, le livre). Eh bien non. dans le monde actuel, tout est lecture. Malgré l'avancée des supports multimédias, l'écrit est partout, et donc la lecture est partout. Alors, oui, on peut sauter au plafond, horrifié, devant les textos de nos ados, mais au moins, ils lisent; or la lecture est un entraînement (bon, c'est vrai que pour l'orthographe et la maîtrise de la langue française et de ses règles, il y a mieux. Je suis la première à m'agacer du langage faussement simplifié de ce genre de discussion, mais ceci est une autre histoire).

On lit peut-être de moins en moins les journaux, mais sur chaque affiche publicitaire est écrit un slogan, au-dessus de chaque magasin son nom. Même le programme télé nécessite de savoir lire. Donc oui, les enfants qui ne lisent pas de livres peuvent lire tous les jours. Il suffit de leur en laisser l'occasion et surtout le besoin.

Aimer lire

Apprendre à aimer lire

On peut apprendre à un enfant à aimer les livres. Si dès son plus jeune âge les livres sont valorisés, sont des cadeaux, sont un objet dont l'on prend soin, alors, ils auront de la valeur aussi pour l'enfant. Si les parents ouvrent chaque jour l'in de ces livres magiques pour raconter une histoire dans un moment de relation privilégié, un jour l'enfant aura envie de découvrir lui-même ce qui se cache dans ces pages. D'abord, il l'inventera, puis quand il aura compris les mystères du monde de l'écrit et le fait qu'il y ait un sens dans tous ces drôles de petits signes, il voudra apprendre à lire. Et s'il a envie d'apprendre à lire, il apprendra plus facilement, et s'il apprend facilement, il aura davantage de chances d'aimer (je mets cependant un bémol, puisqu'il existe malheureusement de vraies pathologie que toute la motivation du monde ne suffit pas à vaincre seul et qui sont une vraie barrière à l'accès à la lecture). Mais il n'y a pas que les livres.

Mille choses peuvent rappeler que la lecture est une activité plaisante. Même si cela passe par se lire mutuellement des blagues carambar. De nombreux jeux de société nécessitent de lire des cartes. C'est idéal: un texte très court, avec du sens qui a une incidence immédiate, le plaisir d'un moment partagé en famille où tout le monde s'amuse. L'utilité de la lecture dans ce cas est tout de suite vérifiable et souvent, l'enfant pris par son jeu, oublie qu'il lit, même si c'est un peu laborieux.

Tout est là, dans le partage, dans la compréhension que ces drôles de petits signes noirs sur un feuille ou un écran portent en eux un mot, un sens, le pouvoir de s'évader, d'amuser, d'accéder à des connaissances, de renseigner. Lire n'est pas juste lire, c'est avant tout entrer dans le monde par une autre porte pour pouvoir encore mieux profiter de ses merveilles et de ses possibilités infinies.

les jolies images qui ont servi d'illustration viennent de ce blog:

http://lecoffreauximages.centerblog.net/

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